Ils commenceront leur tournée aujourd’hui. Des représentants du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la Poste présenteront un rapport d’experts aux salariés, dans chacun des bureaux de leur plateforme. Autrement dit, à Mouguerre, Boucau, Bayonne et Anglet, quatre communes qui pèsent 230 salariés.
Évoqué hier matin, lors d’une réunion du CHSCT, ce rapport étudie les conditions de travail des facteurs. Il a été commandé par les représentants syndicaux du CHSCT au cabinet d’experts Technologia, suite à la tentative de suicide sur son lieu de travail (le centre de tri de Bayonne) d’un employé. Un homme qui eut la chance d’être aperçu par un collègue, puis sauvé.
« Une grande souffrance »
Huit mois plus tard, tandis que ce salarié bénéficie toujours d’un arrêt maladie, un rapport évalue ainsi les conditions de travail et les risques psychosociaux si souvent dénoncés, de Bayonne à Mouguerre. Autant d’éléments qui auraient contribué, si ce n’est provoqué, le drame du mois de mars, à en croire la lettre rédigée par l’homme avant qu’il ne tente de mettre fin à ses jours.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Technologia délivre également des préconisations. Et le cabinet de citer la Dirrecte, c’est-à-dire l’ex-Inspection du travail. Sollicitée dans le cadre de ce rapport, cette dernière a constaté « une grande souffrance » des facteurs et « une charge de travail qui entraîne des dépassements d’horaires presque systématiques ». Des dépassements qui, selon l’Inspection, ne dépendent pas uniquement de défaillance humaine ou de lenteur, mais davantage de charges de travail mal évaluées et persistantes.
Selon nos informations, la Dirrecte déplore également la « surdité » de la direction, malgré des demandes répétées de réévaluation de ces charges. Ce qui aurait des conséquences sur la santé physique et psychique des salariés.
Pas encore de conclusions
Au rayon des préconisations, Technologia livre enfin de nombreuses pistes. Parmi elles : la réintroduction des pointeuses, pour gérer les dépassements d’horaires et les rémunérer ; la mise en conformité des temps des tournées des postiers avec les réalités de terrain ; ou encore une politique de ressources humaines (RH) plus à l’écoute des salariés.
La direction de la plateforme de Mouguerre dit entendre ces revendications et réfléchir à la mise en œuvre de certaines d’entre elles. Mais d’après la responsable RH Magali Mignard, l’heure n’est pas à l’évocation de dysfonctionnements. D’autant, dit-elle, que « l’élaboration d’un rapport est un droit des CHSCT ». Autrement dit : qu’une telle étude ne prouve rien.
« Le fait que ce diagnostic n’ait pas associé le médecin du travail ne nous satisfait pas, ajoute-t-elle. Malgré tout, ce rapport nous servira de base de travail. Un autre CHSCT est prévu. Il réunira tous les acteurs et servira à déterminer un plan d’action. La Poste prône l’installation d’un dialogue social constructif […]. Elle continuera également à mener sa politique de prévention des risques psychosociaux. » La renforcera-t-elle ? La Poste ne répond pas.
Les syndicalistes sont remontés
« D’après l’expert, Bayonne est dans le top 5 des rapports sur les situations les plus dégradées à la Poste », assure le syndicaliste Jean-Michel Gabarrus. Antton Lamothe, délégué CGT à Bayonne, parle quant à lui des « 90 000 suppressions de postes dans l’entreprise, ces dix dernières années, en France », mais aussi des « 150 personnes - dont certaines ont malheureusement réussi - qui ont tenté de mettre fin à leur jours » durant la même période. Pour lui, il existe également « une détérioration » constante et évidente des conditions de travail. Et, dit-il, « la plateforme de Mouguerre ne fait pas exception ». Antton Lamothe annonce également « un nombre de suppressions d’emplois équivalent à celui de ces dix dernières années, mais pour les cinq ans à venir ». Il annonce également « 100 000 expertises menées en France par les CHSCT » et assure qu’il s’en passerait bien. « Cela coûte 10 millions d’euros, qui devraient plutôt servir à améliorer les conditions de travail, mais nous sommes obligés d’en arriver là pour tenter de faire bouger les choses ». Le rapport de Mouguerre aurait quant à lui coûté près de 90 000 euros. « Et la direction nous dit qu’avec le coût de ce travail, nous menaçons l’emploi », souffle le syndicaliste.